Promotion E.S.M.I.A. N° 132 “ Nouveau Bahut ” 1945 - 1947 |
Extrait du bulletin de la promotion des Élèves à l’École Spéciale Militaire Inter-Armes |
Le T.I.V. (Tramway d’Ille et Vilaine) descend la pente de Saint-Malo de Beignon |
Coëtquidan, le dimanche 15 juin 1947, 16 heures.
Toute l’École est dehors. Dans les cours, dans les avenues, on ne voit que des képis bleus. Ils sont longtemps restés enfermés. C’est là leur première sortie ; aussi les porte-t-on avec joie, malgré leurs visières tournées vers le ciel, conséquence directe du délicieux climat de ce charmant pays qu’est la Bretagne en général et Coëtquidan en particulier.
Çà et là cependant c’est un casque que l’on aperçoit. Je dis un casque parce que je suis de la maison, mais un profane hésiterait longtemps avant de se hasarder à qualifier cette curieuse coiffure dans laquelle l’herbe et les branchages jouent un rôle plus important que l’acier et le cuir.
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C’est d’ailleurs la coiffure qui convient lorsqu’on a revêtu le treillis de combat dont je ne décrirai pas la teinte ; toutes les couleurs sont permises, l’imagination peut se donner libre cours dans leur agencement et tout le monde en connaît les résultats. Il paraît qu’un tel treillis remplace avantageusement un manteau couleur de muraille.
En tout cas, s’il ne rend pas son propriétaire parfaitement invisible, il lui donne du moins un aspect inquiétant qui ne tarde pas à devenir terrifiant dès qu’il a pris soin de se zébrer le visage de traits noirs, de s’entourer le corps de bandes de mitrailleuse et de charger son épaule d’une M.G. C’est le cas aujourd’hui. |
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Le Colonel des Gardes G. BÉCHU, arrête le TIV dans la tranchée.
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Que se passe-t-il donc ? Le jour du Seigneur, à pareille heure, les petits cos, étendus sur leur lit, fument, lisent ou plus simplement dorment en attendant le soir. Quel mobile assez puissant a pu leur faire renoncer à leurs chères habitudes, faire revêtir aux uns leur tenue peaufine, aux autres leur treillis de combat ? Déjà des groupes se forment et se dirigent vers le parcours du risque. Le Père Système et les deux colonels des gardes filent en Jeep vers Saint-Malo-de-Beignon. Suivons-les pour connaître le fin mot de l’histoire.
La Jeep s’est arrêtée à proximité de la Gendarmerie. Le TIV traverse la route à cet endroit, après avoir suivi pendant une centaine de mètres une étroite tranchée.
Bon nombre de petits cos sont déjà là et par les sentiers qui descendent du parcours du risque, il en arrive toujours davantage.
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La troupe des combattants fait son apparition. Béchu la dispose. Pas de doute : c’est au T.I.V. que la Promotion en veut aujourd’hui.
Quel crime a donc commis cette bonne vieille guimbarde pour mériter un tel accueil ? Je sais bien que son allure désuète de petit train du Far-West donne aux voyageurs l’impression de rouler vers les Rocheuses aux temps héroïques de la marche vers l’ouest. Mais ce n’est pas là une raison suffisante pour expliquer la mobilisation de toute l’École. La vraie raison est toute autre. Le T.I.V. transporte aujourd’hui une cargaison précieuse, si précieuse que l’on n’a pas voulu la laisser aller jusqu’à la station, de peur qu’elle s’y perde. Cette cargaison, c’est le troupeau de nos Bazars. |
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Après le débarquement des Bazars, sur la route de Bellevue |
Aussi faut-il voir avec quel soin les M.G. sont mises en batterie, pendant que la route est occupée par les élèves. Toute la Promotion est là. Pas seule d’ailleurs. Dans ce pays aimé des dieux, les distractions sont si fréquentes que le Tout-Coëtquidan s’est donné rendez-vous à l’attaque du TIV.
Cependant, ignorant du sort qui l’attend, le convoi grignote tout doucement les kilomètres. Il ne doit plus être très loin. Effectivement on entend son sifflet caractéristique derrière Saint-Malo. Le son grandit peu à peu et bientôt le T.I.V. entre dans la tranchée.
Alors, sur un signal, toutes les mitrailleuses crépitent, les pots fumigènes sautent. Les petits cos se ruent sur les wagons qui s’arrêtent, au milieu des cris, de la fumée. C’est une pagaïe fort réjouissante. Le Système est aux anges. |
Cependant peu à peu les premiers bazars, extraits de leurs compartiments se rassemblent sur la route. Ils n’ont pas mis longtemps à comprendre la situation et, le calot enfoncé jusqu’aux oreilles, ils commencent déjà, philosophiquement, à galoper en chantant les Fines.
Par contre, d’autres voyageurs ont eu plus de difficulté à saisir : ce sont quelques malheureux “pékins” qui avaient eu la malencontreuse idée de solliciter une place dans ce train. Dès le début de l’affaire ils ont plongé sous les banquettes. Tant que les mitrailleuses ont tiré, rien ni personne n’a pu leur faire quitter leur abri.
Ce n’est qu’au départ du TIV que l’on vit paraître, aux fenêtres, les plus courageux d’entre eux, encore pâles d’émotion, regardant le troupeau des bazars monter vers Coëtquidan en galopant et en chantant. |
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Note : Le Père Système de cette promotion, Bernard MOINET, a particulièrement oeuvré pour la reconstitution
du musée du souvenir à Coëtquidan en rapatriant du musée détruit de Saint-Cyr l’École tout ce qui avait été épargné. |
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