Biographie du parrain, lue lors du baptême de la promotion le mercredi 22 juillet 2020       
      Promotion E.S.M.  N° 206  “ Capitaine ANJOT ”   2019 - 2022
Capitaine ANJOT

Mes bottes sont lourdes dans cette neige humide de fin d’hiver. Je refuse de laisser un seul de nos maquisards derrière moi alors je ferme la marche de la dernière colonne qui s’exfiltre.

Je pense à mes hommes, étendus là-haut dans la plaine, tombés comme tant d’autres pour la France. Et à toi aussi Tom… vieux frère, ne m’en veut pas ! Je quitte les Glières mais je reviendrai : « vivre libre ou mourir » n’est-ce pas ? Nous n’avons pas fait de pause depuis ce matin et il est presque 15 heures, j’ai eu le temps de réfléchir.

Je suis le Capitaine Maurice Anjot. Je suis né en 1904 à Bizerte en Tunisie. Quand j’ai intégré Saint-Cyr en 1923, promotion Bayard, j’ai choisi l’infanterie et rejoint en 1927 le 62ème régiment de tirailleurs marocains.

Me revoilà donc en Afrique ! J’ai retrouvé avec joie la France deux ans plus tard en tant qu’instructeur à Saint-Cyr. J’ai toujours voulu enseigner par l’exemple. Je crois que j’ai réussi et qu’on gardera de mon passage à Cyr un souvenir vif.

Insigne de la promotion “ Capitaine ANJOT ” et sa devise “ Vivre libre ou mourir ”

Contraint par la débâcle de 1940 à regagner Valence, je fus affecté au 27ème Bataillon de Chasseurs Alpins. Pendant 4 ans j’y ai formé des maquisards. En janvier 1944, la haute Savoie fût mise sous état de siège.

J’ai donc dû trouver un point favorable pour maintenir le combat. Le plateau des Glières était bien situé et les maquisards affluaient par dizaines. L’esprit de résistance nous guidait.

Commandant l’Armée Secrète de Savoie, je reçus l’ordre d’Alger de tenir le plateau coûte que coûte. Le 17 mars, je remontai donc vers le maquis pour y remplir ma mission : tenir !

Tenir devant la puissance de l’armée allemande.
Tenir le moral de mes hommes, qui, sur les lointains versants, voyaient leur chaumière briller dans la nuit.
Tenir ma promesse aussi, pour la France vive libre.
Je savais que mes chances de redescendre en vie étaient presque nulles. Mais je savais aussi que mes maquisards avaient besoin d’un alpin pour être à leur tête. Je savais qu’une part de l’histoire se jouait ici. La nuit dernière, à cours de munitions, j’ai donné l’ordre de repli. Chaque groupe doit se disloquer pour passer les lignes ennemies.

Il est 15 heures passé de 10 minutes. Toujours dans mes pensées, j’entends soudain un bruit métallique. Cinq allemands viennent d’apparaître devant nous et nous tiennent en joue avec une mitrailleuse. Mon corps se tend légèrement.

Dans ces quelques secondes de silence, le temps s’arrête. Je ne peux m’empêcher de sourire en pensant qu’après tout, je ne pensais pas aller si loin.

Le 27 mars 1944, le capitaine Maurice Anjot meurt dans une embuscade.

Le corps du capitaine Anjot est enterré à côté de celui du lieutenant Tom Morel. Décoré de la croix de la légion d’honneur à titre posthume et de la Croix de Guerre avec palme, ses chefs et ses hommes retiendront de lui un sang-froid permanent et une grande humanité.

Rédaction et droits : © École Spéciale Militaire de Saint-Cyr 2020