Les qualités de Jean de Loisy, son calme et son courage au feu étaient, dès le début de la campagne remarqués par ses chefs : « Dans les moments les plus tragiques, écrit son capitaine, il restait toujours égal à lui-même, gai, allant, animé de la même confiance et de la même foi. Le 14 mai en particulier, à Valhain St Paul en Belgique, pendant un décrochage difficile, je l’ai vu aller de char en char porter l’ordre de repli, au milieu des obus traceurs et des coups de mortiers, frappant à la porte des chars immobilisés pour se rendre compte s’il y avait encore des vivants à l’intérieur. Et revenant sain et sauf par miracle ». Mais mieux que par une citation, son Colonel rendra hommage à sa valeur et dira « Loisy c’est un seigneur ». Les restes du 2e Cuirassiers décimés après de durs combats sont ensuite évacués par Dunkerque. La traversée est mouvementée, le bateau où se trouve Loisy torpillé, mais avec des camarades il attend tranquillement du secours, en jouant au bridge. Il ne s’attarde pas en Angleterre, rejoignant la France pour participer à des combats sur la Loire. Il ne cesse de combattre de Conches-en-Ouche jusqu’en Périgord. A Danger, le 22 juin 1940, il est cité pour la seconde fois à l’ordre de la brigade.
Après l’armistice, il demande la Syrie et est muté au 1er Régiment de Spahis marocains à Beyrouth, mais quitte le régiment sans tarder pour être, sur sa demande, affecté aux Compagnies Légères du Désert. Seul chef dans son poste, chargé de la surveillance des pistes millénaires, Jean de Loisy semble avoir trouvé sa voie sur cette terre chargée d’histoire. Il est rapatrié en métropole en septembre 1941 après la dissolution de son unité, puis rejoint l’Afrique du Nord. A la création de la 1re DB, il rejoint le 2e Régiment de Chasseurs d’Afrique. L’armistice du 22 juin 1940 imposait l’arrêt des combats, Loisy se préparait avec impatience à la libération du sol français. L’armistice est rompu, la dernière phase de la guerre commence. La place de Jean de Loisy est au combat. Il participe à la dure campagne de Tunisie et est des premiers engagements : Pichon, Fondouk, El Okbi, Hadj éd el Aioun. Mais avant la défaite allemande il est rappelé en Algérie pour préparer le débarquement sur le sol français. Avec le 2e Régiment de Chasseurs d’Afrique, il débarque le 10 septembre 1944 à Sainte Maxime près de Saint-Tropez. L’avance vers les Vosges est rapide. Malgré la résistance ennemie, son régiment progresse vers le Rhin. Il se bat à Lure, Servance, Travenin… Lorsqu’il reçoit pour objectif éloigné « le Rhin » il s’exclame « enfin, mon capitaine, on va pouvoir faire une guerre de cavalier et foncer ». C’est en quelques heures une des « chevauchée » digne des plus belles de l’histoire de la cavalerie française. A 13 heures, le peloton de Loisy débouche en avant-garde vers Seppois et après avoir réduit la résistance ennemie, fonce sur Bisel. Nouveaux combats à Bisel et Reroch, Feldbach. A Waldighoffen, l’ennemi est surpris et dispersé avant d’avoir pu réagir. A 15h45, il est à Oberdorf, à Mundsbach et après avoir détruit de nombreux véhicules allemands et laissé derrière lui près de 300 prisonniers, il arrive à 17h30 à Rosenau où il est le premier officier français qui ait l’honneur d’atteindre le Rhin. « Pour un officier de cavalerie, disait il le soir dans sa joie, voir cela et mourir ».
Après un jour de repos le peloton de Loisy participe à la libération de Mulhouse. Le 21 novembre il ouvre à travers les rues de la ville un chemin à l’infanterie qui va attaquer la caserne Goering. Le 23 novembre il reçoit l’ordre d’appuyer l’infanterie dans une opération particulièrement difficile. Il part après s’être exclamé « n’ayez aucune crainte, au revoir mon capitaine, moteur en route ! ». Il trouvera la mort dans cette action. Lorsque les hommes de son peloton apprennent la terrible nouvelle, tous pleurent : l’aspirant Poumaroux tué peu après à Heimsbrunn, affirme « le lieutenant était trop courageux, partout il marchait le premier ».
Ainsi à 28 ans s’achève la vie de cet officier français exemplaire qui semble à merveille incarner l’esprit du jeune Saint-Cyrien dont la vie fut aussi courte que grandiose. Le lieutenant Fuhr a décrit son camarade de combat : « le lieutenant de Loisy, grand bien découplé, le visage intelligent comme illuminé par une sorte de flamme intérieure, appartient à cette catégorie de chefs qui rayonnent et auxquels on obéit d’instinct car on à plaisir à le faire. Avec lui rien n’est banal. Il sait créer, autour de lui, une sorte d’univers fraternel et viril, auquel on est fier d’appartenir car on s’y sent meilleur qu’ailleurs. La combinaison américaine, d’habitude peu seyante, ne fait que souligner son aisance et sa classe. Oui un bel officier en vérité ».