La guerre terminée, il continue son ascension vers les plus hautes responsabilités. Il entre dans le corps du contrôle de l’administration de l’armée, obtient de nouvelles distinctions de haut niveau : officier puis commandeur de la Légion d’honneur. Après l’armistice de 1940 il est élevé à la dignité de contrôleur de première classe et directeur du service national des statistiques. Entre 1932 et 1939, il exerce les fonctions de Maître de Conférence à l’École des Sciences Politiques.
René Carmille publie avant-guerre des travaux très remarquables sur l’adaptation de la mécanographie à la gestion des entreprises. D’autre part, il mène à Rouen avec le capitaine Roques, des études concluantes sur la gestion mécanographique d’un bureau de recrutement.
Pour palier la suppression des bureaux de recrutement militaire et pour préparer tout de même la mobilisation des hommes, la création d’un service de statistiques (futur INSEE) est confiée au contrôleur général Carmille.
Le 16 août 1940, le contrôleur général Carmille rend compte au ministre de la façon dont il en conçoit l’organisation : « un service général qui doit fournir les synthèses d’ordre national et impérial nécessaires […], des organes régionaux assez près de la matière à traiter pour exercer une vérification efficace ».
Tout d’abord la direction de la démographie est créée, rattachée au ministère des Finances (loi du 16/11/1940). Puis dans un deuxième temps, cette direction fusionne avec la Statistique générale de la France en un Service National des Statistiques (SNS, loi du 11/10/1941). Le nouveau service s’installe en zone libre, à Lyon.
Dès l’automne 1941, le SNS reçoit pour mission :
- d’aider en première urgence au recrutement des personnels destinés à renforcer l’Armée de l’armistice (plan à moyen terme).
- de préparer dans les détails la mise sur pied de 12 divisions de 2e échelon, ainsi que des formations de réserve générale (plan à long terme). Le tout met en œuvre des effectifs d’environ 300 000 hommes. Le plan doit être prêt pour l’été 1942.
En 1942, Carmille expose au Général Revers, en inspection à Lyon, ses projets de recensements des ressources économiques et industrielles du pays, en vue d’une mobilisation industrielle.
L’un des prétextes utilisés au sein du SNS pour établir les fiches de recensement est le contrôle des primes de démobilisation perçues. L’exploitation s’est donc faite à partir d’une cartothèque de plus de 2 400 000 démobilisés. D’autre part, il est proposé d’associer ce service aux lois antisémites de Vichy (couverture pour augmenter la marge de manœuvre et gagner du temps). Les nazis espèrent utiliser ses compétences pour organiser les rafles de juifs. Ils sont loin d’imaginer que depuis 1911 René Carmille travaille pour le contre-espionnage français.
Pendant les heures les plus dangereuses du gouvernement du Vichy, il est un membre influent de la Résistance dans le réseau Marco Polo et garde des contacts avec Londres et Alger. Non seulement il ne fait rien pour livrer les Juifs aux nazis, mais il établit des milliers de fausses cartes d’identité pour l’organisation du soutien actif aux armées de la Libération. C’est alors à ce niveau qu’il accomplit les tâches les plus délicates au service de sa patrie en organisant dans la zone libre, la formation d’une armée secrète de près de 400 000 combattants dotés de tout le matériel indispensable et prêts à intervenir le moment opportun.
Cependant les Allemands ne sont pas dupes. C’est ainsi que le lieutenant-colonel Von Passow (chargé du contrôle du SNS) sait que ce service peut aider à préparer une mobilisation de grande envergure.
Le 3 février 1944, la Gestapo arrête René Carmille et son chef, probablement sur dénonciation du conducteur de sa voiture suite à des contacts qu’il prend avec les réseaux locaux de la Résistance. Il est interné à Lyon (Montluc) puis déporté au camp de Dachau.
Profondément affaibli par les affres de la détention, René Carmille tombe gravement malade, puis décède dans les derniers jours du mois de janvier 1945. Il n’est pas remplacé à son poste de directeur du SNS.
La majorité des orientations prises par René Carmille sont maintenues par l’INSEE, créé après la Libération par la loi du 27 avril 1946, reprenant l’essentiel des attributions et des moyens du SNS. L’époque de la mécanisation triomphante de René Carmille ouvre par là-même la voie à l’informatique moderne.
Citations et décorations:
- Croix de guerre : étoiles vermeille (2), palme (1), étoiles d’argent (2)
- Chevalier de la Légion d’honneur le 8 juillet 1928
- Commandeur de la légion d’honneur le 27 juin 1941
- Attestation d’appartenance aux Forces françaises combattantes (17 juin 1948)
Raisons du choix pour l’EMCTA :
- Le contrôleur général Carmille est un précurseur dans le domaine des études démographiques. La statistique moderne lui doit de nombreuses avancées majeures.
- Membre brillant et actif de la Résistance, il a contribué à sauver de nombreuses vies grâce à ses talents d’organisateur et de logisticien. Les élèves de l’EMCTA y sont particulièrement sensibles.